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Journal d'un moulin

Journal d'un moulin


" Histoire d'un moulin, histoire d'une vie "

Je suis née avec mon moulin en 1923...
Le beau père de mon père exploitait un « moulin à sang » dans le vieux village d'Oraison.
Au retour de la guerre, mon père apprend auprès  de celui-ci le métier de moulinier… Il se marie et, en 1923, installe, à l'endroit où il se trouve toujours, un moulin très moderne pour l'époque... pensez donc : « tout tourne à l’ELECTRICITE »

Mes plus lointains souvenirs sont des parties de cache-cache au milieu des sacs d'olives... c'est le bon morceau de fougasse chaude arrosé d'huile nouvelle et dévoré à quatre heures, au retour de l'école... c'est mon grand diable de parrain, trônant, majestueux, au milieu des cuviers en bois où l'huile se décante et « cueillant » avec la « feuille » cette huile précieuse avec des gestes religieux... c'est ce grand bassin recouvert de planches et portant le nom terrifiant d'« enfer » : la gamine que j'étais, tout imprégnée par les leçons de catéchisme, se voyait jetée dans ce trou au moindre manquement!...Quels merveilleux hivers, les hivers de mon enfance ! où, mes devoirs terminés, mes leçons apprises, je rejoignais mes parents qui s'affairaient parmi les clients... un immense feu maintenait l'eau chaude dans un cuvier noir… il y avait de la vapeur, de la fumée, de la chaleur… des éclats de voix... des rires … ! Le bruit du broyeur et par-dessus tout cela flottait, délicieusement envoûtante, l'odeur dégagée par la pâte des olives écrasées par les lourdes meules. Les ans passent... Je quitte l 'école à dix-huit ans. J'avais obtenu mon brevet élémentaire en juin 39. J'avais préparé le concours d'entrée à l'école normale de Digne : admise en 1941, je m’enfuis deux mois après : ma nature indépendante ne pouvant s'adapter au sévère internat , aux murs doublés de sacs de sable en prévision d'éventuels bombardements, à la promiscuité des dortoirs...
Alors je me consacre à la gestion du moulin d'Oraison et de celui des Mées dont mon père vient de prendre gérance. C'est la période des restrictions, du prélèvement obligatoire des huiles dans les moulins par les Services de ravitaillement général, avec tout ce que cela comportait comme tracasseries et aussi astuces afin que la bonne huile reste dans les jarres des oléiculteurs. Dure époque !
La guerre terminée, je me marie et je transmets le « virus » du moulin à mon cher mari... En famille, nous exploitons le moulin d'Oraison... nous continuons depuis.
Voila déjà quarante-deux ans que nous vivons au rythme des campagnes oléicoles, formant un équipage solide, se partageant les responsabilités... Que de peines, que de joies autour de ce moulin... Mais quelle fierté d'avoir pu continuer, ensemble, l’œuvre de mes parents.
Nous avons deux enfants. Notre fils, passionné par le moulin, en a crée un nouveau à Peyruis, il y consacre sa vie... Notre fille, aujourd'hui docteur en pharmacie, avait choisi l'huile d'olive et ses effets biologiques comme sujet de thèse...
Une vie simple mais passionnante qui ne m'a pas laissé le temps de voir « passer les temps »


Lucie HENRY
Moulin Paschetta-Henry
à Oraison (Alpes-de-Haute-Provence)
Écrit le 26 décembre 1989